Il y a t-il une solution à tout ? [ libre ]

J'avançais lentement vers l'immensité de l'eau. Les vagues tambourinaient les quelques rochers qui se trouvaient là. Le vent se levait et instinctivement je remontait la fermeture éclair de mon manteau. Je n'avais rien de comparable à la nouvelle génération de loups garous, la température de mon corps étant semblable à celle des humains. J'avais froid, surtout que je n'étais pas bien. Pas la peine que je me voile la face plus longtemps, la fin d'année avait été particulièrement difficile pour moi et je n'avais absolument pas le moral. Mes yeux se perdaient sur la mouvement des vagues tandis que je longeais la plage, mes pieds s'enfonçant dans le sable humide. Les mains dans les poches, je jouais avec une petite pince de Max. Je n'avais plus aucune nouvelle d'elle depuis qu'elle avait dû repartir en urgences à Washington. Son père était malade et je fut surpris de la voir courir à son chevet, elle qui n'entretenait pas bonnes relations avec lui depuis son enfance. En fait je doutais qu'elle revienne réellement à Forks. Son court voyage ici n'était que le reflet de son appréhension, même si elle avait tout hérité de Maël. J'étais même certain qu'elle n'était venue ici que pour des formalités et autres papiers administratifs. Je n'étais pas dans sa tête, mais quelque chose au fond de moi me montrait qu'elle ne reviendrait pas, préférant tirer une croix sur les évènements passés à Forks.

Il m'arrivait de penser la même chose ces derniers temps. Pourquoi je restais ici, alors que New-York ou une autre grande ville me tendait les bras ? Pourquoi m'acharner à rester dans cette petite ville, bien trop étrange pour moi, en proie à une guerre de famille dont je ne veux absolument pas me mêler. Mais je restais, chaque jour un peu plus, me levant tout les matins pour aller travailler, sans aucune autre raison valable. J'étais seul, et je ne pouvais que remarquer à quel point je m'enfermais chaque moment un peu plus dans ma solitude. Je ne sortais plus, sauf pour venir sur cette plage. Seul cet endroit m'inspirais et apaisait mon esprit bien trop tourmenté.

Je décidais, une fois de plus à tenter un appel téléphonique. Je pris mon portable dans ma poche et composais un numéro que je connaissais par coeur; celui de Max. Puis je portais l'appareil à mon oreille.

" Bonjour, vous êtes bien sur le portable de Max Campbell, je ne suis pas disponible pour ... "

Je soupirais, mais au lieu de remettre le téléphone dans ma poche, je fus pris d'un excès de colère et lançais le portable à la mer. L'eau ne mit pas longtemps à l'engloutir. Je retenais un juron. Mais donnais un violent coup de pied dans un caillou qui se trouvait sur mon chemin. Comme le téléphone, il plongea dans l'eau saline, entraîné par les vagues que je suivais des yeux. J'essayais de me calmer, respirant un grand coup. Tout ça devenait tellement pathétique que je me remettais directement en question. Il fallait absolument que je me ressaisisse sinon je ne pourrais pas continuer à vivre comme ça.

J

Cela faisait si longtemps que je n'étais pas allé dans l'Etat de Washington. Forks et ses environs, comme beaucoup des lieux que j'avais visité dans ma trop longue vie, comportaient des paysages magnifiques. Même si aucun ne valait à mes yeux la splendeur de mon Connemara natal. Ce qui m'avait de tout temps fasciné, en dehors de la lune, c'était la mer. Que je le voie de New York ou des rives de l'Ouest de la mer, c'était toujours le même océan en face de moi. Et même si l'océan qui s'étendait face à First Beach n'était pas le même, il y ressemblait beaucoup. Même si son étendue et son taux de salinité étaient différents, l'odeur saline était la même. Et la musique également. La douce musique du ressac, la vague se brisant sur le rivage... Pris d'une soudaine nostalgie, j'allai instinctivement vers First Beach. Mes jambes en connaissaient encore le chemin - il faut dre qu'à l'époque de la création de Forks, cette plage avait été mon refuge quand je voulais être seul ou jouer de la musique, et les falaises qui la surplombaient avaient fréquemment été le promontoire d'où j'avais hurlé mes émotions à la Lune. Elle m'avait toujours compris et cette compréhension, même si elle ne pouvait l'exprimer, m'avait toujours touché et apaisé. J'irais sans doute hurler de nouveau cette nuit pour la remercier. Et pour remercier cette banshee qui avait été à l'origine de ma métamorphose.

Je me rendis compte que j'étais arrivé quand mon pied foula le sable humide et s'enfonça. Sortant de ma rêverie, je contemplai le tableau qui s'offrait à moi. En fond sonore, la musique que j'étais venu écouter prédominait, accompagnée seulement du souffle d'un vent capricieux qui faisait voler mes cheveux et de quelques bruits de pas. Pour l'odeur, le parfum salé de l'océan imposait sa note vivifiante. Je me sentais revivre. Enfin, je voyais en fond la mer, légèrement agitée de vagues couronnées de crètes blanches, et deux silouhettes se détachant sur la grève. L'une était celle d'un homme au comportement assez singulier : il était rare à cette époque de voir quelqu'un jeter son téléphone portable à la mer. Le geste qui suivit m'en indiqua la raison : la rage. Et il devait être assez fort car le caillou dans lequel son pied avait tapé vola sur une bonne vingtaine de mètres avant de plonger dans la mer avec un petit plouf que mes oreilles de musicen avaient su percevoir. À la vue de la seconde silouhette, mon coeur bondit de joie. C'était en effet ma soeur Coraline, assise en tailleur, en pleine méditation. Elle semblait calme, mais je savais qu'en brisant sa concentration je l'énerverais. Je m'approchai donc en silence et m'arrêtai à quelques mètres d'elle, face à la mer que je contemplais, laissant mon corps s'offrir aux éléments avait un plaisir sauvage.

Mon calme ne fut pas troublé le moins du monde quand j'entendis les pas du jeune homme se rapprocher. Mais cela ne semblait pas être le cas de Coraline. Percevant le bruit, elle ouvrit les yeux et se tourna dans la direction de sa provenance. J'en profitai pour l'informer de ma présence. Salut, Coraline !, la saluai-je avec entrain. Puis je me tournai moi aussi vers le nouvel arrivant. Bonjour à vous, monsieur. La politesse n'avait jamais fait de mal à personne. Au contraire, j'avais remarqué qu'elle avait tendance à calmer les gens et à détendre l'atmosphère. Fixant un sourire avenant sur mon visage, j'attendis de voir leur réaction.

Rongé par la colère, je n'avais pas fait attention aux deux présences qui se tenaient derrière moi. En réalité, ce fut une voix masculine qui me tira de mes songes, et je pivotais rapidement sur moi-même afin de lui faire face. Son visage m'intriguait et je n'y détachais pas mon regard, persuadé de l'avoir déjà vu quelque part, mais il y a des années. Voire même des centaines d'années. Mes yeux se posèrent ensuite sur la jeune femme assise sur un rocher. Je ne savais pas depuis combien de temps elle se trouvait là, mais sa présence était parfaitement dissimulée par les vagues. Je restais plus longtemps sur son visage, ses yeux sombres que j'avais l'impression de connaître. Ses longs cheveux dansaient avec la légère brise qui se levait par moments sur la plage. Une fois de plus, j’étais persuadé de connaître ce visage. L’Europe ? L’Asie ? Lors de mon séjour en Espagne, j’avais côtoyé pendant quelques temps un groupe de lycans qui avait pour habitude de donner de grandes soirées. Peut-être avais-je déjà croisé ce visage à ce moment.

Je reportais mon regard sur l'homme qui n'avait pas bougé. A vrai dire, je ne faisait même pas attention si mon regard pouvait le déranger, surtout avec le silence qui plombait cet instant. Seules les vagues ne semblaient pas faire attention à nous. Il avait appelé la jeune femme "Coraline". Ce prénom me frappa; était-ce les Valgùlfr, cette puissante famille de loups-garous ? Je n'avais rencontré qu'Alexeï, mais ça remontait à des centaines d'années. Cependant, cette famille était aussi connue que les Volturi chez les vampires. Mais étant un lycan solitaire, je n'avais pas vraiment fait attention à tout ce qu'il se passait les concernant.

Je décidais de prendre la parole, d'abord par politesse pour répondre à l'homme, mais aussi parce que ces deux personnes semblaient attendre une réaction de ma part.

" Bonjour. "

Je n'étais pas vraiment à l'aise, ne sachant quoi dire ou quoi faire. Ils se connaissaient, moi non et je me sentais mal à l'aise. Est-ce que je devais me présenter ? Ou faire comme si de rien n'était et poursuivre mon chemin ? Une vague atteignit mes chaussure, mais ne toucha que la semelle. Je baissais la tête sans vraiment y faire attention. Et j'eu la réaction, que je peux appeler stupide de me justifier. J'étais certain qu'ils avaient assisté à mon excès de rage.

" Je...euhm...problème de communication. "

J'avais dit ça sans réfléchir, moi qui n'aimait pas faire part de mes émotions. J'étais tout simplement mal à l'aise que deux inconnus, même étant des Valgùrlfr. Je décidais de justement de détourner la conversation dans leur sens, pour qu'on oublie ma petite personne. Je fis donc appel à mes connaissances historiques de Forks, que j'avais apprises quelques semaines plus tôt:

" Dites moi, si mes connaissances sont bonnes, ça doit faire des décennies que vous n'êtes pas venus à Forks. "

J

« Vous dites juste. Mais dites-moi, qui êtes-vous ? »

« Vous pensez attendre que la mer ensevelie vos pieds ou aller vous asseoir au sec ? Enfin, si je puis dire. »

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